Solutions pour aider les paysans à sauver la dernière grande forêt tropicale

Le bassin congolais est le seul puits de carbone tropical encore actif aujourd’hui et réservoir de biodiversité pour les générations d’aujourd’hui et de demain. Les zones inondables intègrent les tourbières de la planète les plus riches en carbone soit une machine naturelle à recycler qui fonctionne depuis des millénaires. Ce bassin du Congo présente un flux net de 0,61 giga tonnes de CO²/an , quand l’Amazonie n’en représente que 0,1 gigatonne. Dans la forêt congolaise, il n’y a pas d’agriculture industrielle à grande échelle ; le paysannat prédomine nettement.

La teneur en CO² dans l’atmosphère et son corollaire, la hausse des températures, progresse au rythme des grandes rencontres internationales et l’Afrique reste marginalisée. Des entreprises européennes viennent compenser leur émissions (neutralité carbone) par des afforestations en Afrique (TOTAL ; Colruyt) et photo ci-dessus ; tandis que l’appui aux populations à convertir leur agriculture et à sédentariser, avance à (tout) petit pas ; 70 000 plateurs de cacao méritent un appui (qu’ils n’ont quasi pas) et les forêts communautaires bénéficient d’appuis disparates et discontinus.

La spécificité de l’Afrique, qui n’émet que 4% des émissions mondiales, n’est pas sérieusement prise en compte dans les négociations et rencontres de type COP. À ce rythme de croissance démographique, le continent va atteindre 3 milliards d’humains en 2080.

L’Afrique est le continent le moins préparé et le plus vulnérable au changement climatique et qui en subit déjà les effets les plus significatifs sur le plan de la sécurité alimentaire (sécheresses prolongées …). Jusque-là bon élève de l’atténuation, l’Afrique reste pauvre. Or la pauvreté, cela justifie des familles de 6 à 7 enfants pour faire face à de nombreuses corvées ; et un exode rural qui faiblit pas.

Aujourd’hui que l’agriculture intensive en pays développés est en crise profonde, il est désormais clair que l’agriculture familiale, qui occupe la majeure partie de la population africaine et du bassin congolais), est la voie la plus efficace pour créer de l’emploi et stabiliser le monde rural. Pour agir en amont et maintenir les populations rurales africaines en leur milieu, il faut un changement de paradigme; il bannir le mot « coopération » selon les usages de ces dernières décennies. Il faut cesser (pour les bailleurs de fonds et leurs agences) d’agir en Afrique en ordre dispersé (faibles synergies, faible complémentarité), tel que c’est largement le cas aujourd’hui, avec une mentalité de donneur de leçons. L’Afrique ne va pas avancer, si elle reste elle-même victime de la corruption de ses élites; il faut mettre en avant les savoirs faires locaux, réinventer les collaborations Sud-Sud.

Avec le sous-financement (pas de crédit campagnes…), le délabrement du réseau routier, la rareté des infrastructures (dépôts, unités de transformation, emballage conditionnement), l’accès des ruraux aux marchés urbains est à la fois difficile et couteux, la faiblesse de la production agricole et la valeur ajoutée très limitée, n’assurent donc pas des revenus satisfaisants aux familles rurales. Les importantes voies fluviales du pays, ne sont pas draguées ni balisées, rendant la navigation difficile. Les simples pistes en terres d’un réseau de 150 000 km sont le plus souvent impraticables et inaccessibles aux véhicules même de petit tonnage. Ainsi des produits alimentaires locaux demeurent invendus et pourrissent dans l’arrière-pays, tandis que des moyens colossaux sont affectés aux importations alimentaires (pour les villes comme Kinshasa, Lubumbashi, Goma) . En conséquence, des budgets publics se doivent être affectés à ces infrastructures, pour les réhabiliter et organiser l’entretien, soit d’y pourvoir par des ressources propres ou par celles mises à la disposition de l’état par les partenaires bilatéraux ou multilatéraux, en privilégiant les régions où se développent des filières prometteuses. Les partenaires techniques et financiers se concertent encore insuffisamment à ce sujet. L’État n’est pas démuni de moyens tel le Fonds National d’entretien routier FONER, créé en 2008.

La RDC possède la capacité d’être un pays laboratoire des leçons apprises d’où peut émerger un changement radical ; pour réinventer une coopération active » entre pays du nord et pays du sud, avec une nouvelle dynamique de collaboration, d’échange et de partage des connaissances et des ressources. L’agriculture familiale peut nourrir la RDC et créer de multiples emplois et richesses si elle est soutenue correctement. Mais, relever le défi de la crise écologique ne peut se faire sans les populations locales, autochtones et communautés locales paysannes afin qu’elles vivent dignement et perçoivent des bénéfices de leur travail de protection de l’environnement. Une vraie collaboration, un respect réciproque doivent être instaurés afin d’éviter le “colonialisme vert” de fausses solutions basées sur une marchandisation de la nature et d’outils financiers et de “greenwashing” . Combinée à la foresterie communautaire et à la finance carbone, des modèles agricoles sédentarisés sont une réponse appropriée pour développer la RDC.

L’action de loin la plus efficace, la moins couteuse et le plus urgente en Afrique centrale, c’est de protéger les forêts primaires encore existants. Cela revient à développer des solutions aricoles innovantes et des modèles agricoles sédentarisés; il faut donc aider les paysants Congolais à développer cette voie. Mais les expérences de foresterie communautaire se partagent jusque-là peu et les synergies et capitalisation inter projets et agences sont faibles. Les communautés sont peu ou pas financées et surtout pour l’éxécution d’activités génératrices de revenus liés à leur plan simple de gestion (quand l’accopagnement arrive jusque-là). Or, la foresterie communautaire se combine avec la sédentarisation agricole, forcément nécessaire et associée à la démarche de protection des forêts, en processus de changement face à l’agriculture itinérante sur brûlis. Mais peu d’institutions combinent de façon efficace des filières agricoles sédentarisées bien actives avec la foresterie communautaire.

En Afrique, la déforestation est causée par les petits exploitants qui défrichent à la machette

Explorons les solutions

Comme la figure le montre, « la » solution est un ensemble de solutions qui agissent de concert et en synergie. De nombreux projets appliquent dans une région donnée l’une des recettes actions reprise dans ce tableau ci-dessous ; ils le font … associant peu les communautés locales a la décision de ce qu’ils vont faire, ce qui provoque ensuite une faible appropriation ; de plus la RDC est vaste et les projets sont dispersés et la gouvernance locale est faible : la capitalisation en phase de post projet est délicate. Développer la foresterie communautaire avec la population comme gardiennes des puits de carbone – et bien sûr les peuples autochtones pygmées, nombreux en RDC , est très prometteur. Il y a aussi la régénération naturelle soit aider le foret à se reconstituer par elle-même (contrôler les feux) avec des perspectives de filières bois énergie moins couteuses que les plantations forestières ; la pratique se repend en RDC et fait l’objet de paiements pour services environnementaux aux communautés …

 
Zone agroforestière de Mampu
Jardin forestier multi- étagé

Le producteur agricole, l’éleveur, a besoin de garanties sur les investissements pluriannuels qu’il veut faire, pour lui apporter un retour productif et financier. Garantir cette sécurité constitue un préalable à toute action de développement des exploitations familiales. Les systèmes de baux ruraux comme le fermage et le métayage méritent eux aussi d’être mieux documentés, codifiés, encadrés. Les organisations paysannes plaident aussi pour une meilleure promotion par le gouvernement et les coopérations internationales des entreprises du type coopérative et aussi pour une modernisation des lois et des règlements susceptibles de permettre une éclosion massive de PME. Les femmes amélioreront leur situation et leur position dans la société si elles peuvent formuler et défendre elles-mêmes leurs projets et objectifs. Le choix pour des actions par et avec les femmes, à travers la collaboration des organisations féminines locales, permettra de renforcer le leadership féminin et un focus sur l’entrepreneuriat familial permettra d’aller en avant.

En foresterie communautaire,, le fait d’accompagner des communautés locales dans un processus légal qui concerne leurs forêt, constitue une prévention et résolution de conflits inter communautés par la délimitation des terroirs de façon participative ; les limites sont connues & partagées avec les communautés voisines ; des ressources que contiennent cette forêt sont inventories et connues; une meilleure connaissance collective des limites par tous les acteurs émerge en vue de réduire des usages illégaux. Alors, la foresterie communautaire constitue un vrai projet de la communauté structurée avec un comité démocratique et représentatif autonome qui est un espace d’échanges, de dialogue, d’orientation, de décision et de suivi . Le processus de forêt communautaire sert de support à des appuis de partenaires pour la fourniture de matériel semencier agricole en application de l’agriculture sédentarisée -plantules palmier, café, cacao – permet d’installer avec les communautés, des contrats PSE (paiements pour services écosystémiques) en appui à l’implantation de ces cultures sédentarisées : c’est cela le changement durable.

La foresterie communautaire promet un développement durable; à la condition d’appuyer ces communautés en leur processus de changement des pratiques agricoles; sédentarisé avec les cultures pérennes et autres.

À propos de l'auteur

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Alain Huart

Alain Huart est Chef de la cellule de suivi et de coordination du programme « Environnement et Agriculture Durable » de l’Union Européenne en RDC. Il est aussi développeur pour la consolidation de partenariats public-privés en paysages de parcs (Salonga, Virunga, Garamba, Upemba Kundelungu) et biosphères de la RDC (Biosphère Luki, Yangambi).

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