La forêt alliée pour préserver une planète vivable

Impossible d’assumer le défi planétaire global de préservation de notre maison “ terre ” sans tenter de sauvegarder les dernières forêts tropicales et sans veiller aux droits des communautés locales. Les forêts primaires tropicales sont la priorité absolue, car elles procurent un habitat à 80 pour cent des espèces d’amphibiens, 75 pour cent des espèces d’oiseaux et 68 pour cent des espèces de mammifères. La préservation des services écosystémiques de la forêt congolaise est vitale pour tous.

Les peuples autochtones co-existent depuis des millénaires en harmonie avec les forêts, les savanes, les lacs et les déserts. Parce qu’ils se trouvent dans des endroits du monde où l’impact de la crise climatique et de la perte de biodiversité est le plus marqué, où leurs cultures et leurs vies dépendent largement ou exclusivement de l’environnement naturel, ils sont plus vulnérables que n’importe qui d’autre sur Terre.

La forêt peut être notre meilleure alliée pour préserver une planète vivable, mais seulement si nous la laissons faire : il nous faut juste reconnaître, humblement, que nous les hommes, nous ne sommes pas capables de créer des forêts ; tout au plus nous pouvons créer des plantations … Les arbres sont créateurs de leur environnement : ils réagissent en cas de menaces. Partout où nous lui en laissons la possibilité, la forêt opère un retour rapide et puissant; on appelle cela la régénération naturelle des paysages forestiers qui s’opère par la mise en défens (soit la protection contre le feu) des espaces forestiers dégradés que l’on souhaite voir se régénérer. Cette pratique se réalise autour de la biosphère de Luki au Kongo central sur une superficie de 8000 ha et donne lieu à des contrats de paiements pour services environnementaux qui récompensent les communautés sur leurs terroirs.

Se justifie-t-il d’abattre les plus grands arbres sous prétexte qu’ils sont trop vieux et inefficients ? Ce sont les arbres d’un certain âge qui absorbent le plus de gaz à effet de serre. Regardons les cernes d’un tronc coupé : chaque année, un nouvel anneau de croissance apparaît entre le tronc et l’écorce; avec l’âge la largeur des cernes ne diminue que faiblement. Le diamètre du tronc, en revanche, augmente de façon continue ; et comme l’élargissement du diamètre entraine une croissance exponentielle de volume, le stockage de carbone s’accroit en conséquence. La croissance en diamètre des arbres est influencée par les paramètres climatiques et aussi par la concurrence qu’exercent les arbres les uns envers les autres. Le carbone stocké est directement fonction de la biomasse. A l’échelle du peuplement forestier, la biomasse dépend du ratio entre la mortalité, la régénération, et l’accroissement des arbres… Felix Laurent et Hans Beeckman, Service de biologie du bois au Musée royal de l’Afrique centrale à Tervuren.

La forêt primaire à maturité avec toutes ses couches de biodiversité est un gigantesque aspirateur a carbone. Chaque arbre de la forêt emmagasine sa vie durant jusque 10 à 30 tonnes de carbone qu’il stocke dans son tronc et sa ramure, en couches lignifiées sur lequel le cambium ( tissu vivant) régénère activement à chaque saison printanière (ou de pluies) le précieux feuillage à la base de toute vie. Une grande biodiversité accompagne l’arbre dans l’enfouissement du carbone et pour des intérêts bien partagés. L’arbre prolonge son travail jusqu’à son effondrement que ses « enfants » attendent patiemment des années & décennies durant ; ils prennent la relève à la faveur de l’espace laissé vacant. La chute a été anticipée par les fossoyeurs accompagnants, collemboles, fourmis et termites, champignons bactéries et mycorhizes qui digèrent le bois et génèrent le précieux humus véhicule de toute vie. L’eau draine la pénétration de l’humus dans la profondeur du sol qui s’offre aux semences et arbrisseaux sauvageons. Ainsi, si une partie du CO² est relâchée dans l’atmosphère, la plus grande part contribue au capital de l’écosystème. Une part du carbone s’enfonce dans le sol, avec toutes les complicités de biodiversité ». Dans les tourbières inondées et les mangroves d’estuaire, ce sont des forêts entières de troncs d’espèces précurseurs et autres qui sont engloutis ; noyés, fossilisés. Les gisements actuels de charbon sont issus de processus de transformation de débris végétaux entamés il y a 300 millions d’années… Toutefois, une nouvelle production de houille, lignite, pétrole est peu probable aujourd’hui vu la vitesse de la déforestation dans les forêts du sud et l’exploitation intensive des forêts du Nord : le zéro répit que l’homme laisse à la nature…

Les forets européennes ou des pays tempérés sont-elles (encore) actives aujourd’hui ?? La formation de tourbe et de charbon de nos jours dans les forêts d’Europe est quasi insignifiante, car le système d’exploitation forestière en vigueur impose d’éclaircir constamment les forêts. Il en résulte que les rayons du soleil pénétrant jusqu’au sol réchauffent le milieu et stimulent le démarrage des espèces de l’étage inférieur. Pour se développer, celle-ci consomment toutes les couches d’humus et le rejettent dans l’atmosphère sous forme de gaz ; et donc dans ce cas, la quantité totale de gaz à effet de serre émise par le processus correspond à celle rejetée par la combustion du bois; ainsi sous les latitudes tempérées (Europe), les réserves de carbone du sol se vident aussi vite qu’elles se constituent.

1 ha de forêt ardennaise : belge 38 t à 44 tonnes de carbone

1 ha de forêt & tourbière bassin Congo = 1350 tonnes de carbone

1 ha forêt équatoriale bassin Congo = 330 tonnes de carbone

Biomasse forestière RDC: 23,3 giga tonnes de carbone

Tourbière congolaise: 30 giga tonnes de carbone

Les vieux arbres et le bois mort sont un indicateur d’un écosystème forestier en bonne santé. Ils favorisent la diversité des espèces, notamment les mousses, lichens, champignons et de nombreuses espèces d’insectes. Ils offrent gîte et couvert à de nombreuses espèces animales. Le bois mort au sol constitue un réservoir d’eau pour divers végétaux tels les mousses ou les jeunes arbres. En outre, des amphibiens, des mollusques et des insectes profitent de l’humidité qui règne en permanence dans et sous le bois mort ; une partie du carbone stocké dans le bois mort est progressivement intégré dans le sol durant le processus de décomposition du bois, contribuant ainsi au maintien de la fertilité des sols forestiers.

S’il existe des preuves scientifiques évidentes que la mortalité des arbres s’accélère dans certaines régions tropicales, avec des conséquences pour l’avenir du puits de carbone tropical et du bilan mondial de carbone anthropique, on sait aussi que la résilience des forêts amazonienne et congolaise, s’inspire et se ressource de par la diversité des espèces. Retenons que seule la diversité des caractères végétaux pourra permettre à ces forêts de s’adapter aux nouvelles conditions climatiques via un processus de tri écologique, protégeant ainsi la fonction de puits de carbone. Par conséquent, la diversité des caractères végétaux, et la biodiversité en général, devra être prise en compte dans les projections d’écosystèmes à grande échelle et être incluses en partie intégrante de la recherche et des politiques sur les changements climatiques.

Peter Wollheben (1964) est ingénieur forestier en Allemagne. Alors qu’il découvre de drôles de phénomènes dans les forêts où il exerce, son plaisir de la nature renait et c’est sont travail de forestier qui prend soudainement un tout autre sens que celui que la sylviculture moderne mercantile ne lui avait pas permis d’approcher.

Dans La Vie secrète des arbres, La promesse des arbres ; Peter Wohlleben raconte l’intelligence et le cœur des arbres. La collection d’anecdotes de Peter Wohlleben offre un merveilleux parallélisme entre les forêts et les communautés humaines.

À propos de l'auteur

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Alain Huart

Alain Huart est Chef de la cellule de suivi et de coordination du programme « Environnement et Agriculture Durable » de l’Union Européenne en RDC. Il est aussi développeur pour la consolidation de partenariats public-privés en paysages de parcs (Salonga, Virunga, Garamba, Upemba Kundelungu) et biosphères de la RDC (Biosphère Luki, Yangambi).

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