Avant d’entreprendre notre premier grand voyage au cœur de la forêt équatoriale et du plus grand et le plus actif puits de carbone terrestre, il y a un préalable une question fondamentale à se poser : comment notre planète fonctionne et quelle est l’origine de tout ce que nous connaissons, du mécanisme de la vie et du support au vivant. La source d’énergie initiale qui donne vie et est le carburant des organismes vivants de notre planète : la photosynthèse.
Quand ce miracle s’est-il réalisé ?
Si l’histoire entière de notre terre devait se résumer en seule journée de 24 heures, alors dans cette journée de temps planétaire, chaque minute marque le passage de 3 millions d’années.
A 0h00 la planète est aussi chaude qu’un volcan : une atmosphère en quasi-ébullition. De 0h00 à 2 h00 la température descend, la vapeur de l’atmosphère se condense en pluies ; une pluie intense et sans relâche des siècles durant qui fait naître les océans. Vers 4 heures du matin les premières formes de vie apparaissent dans les eaux chaudes peu profondes ; à 10h30, la photosynthèse s’active ; les premiers organismes multi cellulaire apparaissent à 18h30 ; à 21h45 la vie végétale se développe sur terre et donc les premiers arbres ; à 22h les amphibiens et les insectes ; vers 22h40 survient l’épisode des dinosaures et de leur extinction. A 23h58, un petit singe d’Afrique est le dernier ancêtre commun entre l’homme et le chimpanzé. 20 secondes avant minuit, des hominidés simiesques découvrent l’usage du feu . L’histoire de notre espèce « homo sapiens » est confinée au 5 dernières secondes avant minuit …
Rappelons-nous nos cours de biologie :
La photosynthèse, par définition est le mécanisme de base par lequel les plantes, algues y comprises transforment le dioxyde de carbone CO² en oxygène. Plus précisément pour les végétaux, il s’agit de créer l’énergie sous forme de sucres, à partir de la lumière émise par le soleil, de l’eau puisée ans le sol, et du carbone capté dans l’atmosphère.
Vous êtes-vous déjà interrogé sur ce qu’il y a de merveilleux là-dedans ?
En premier lieu ce mécanisme rend possible l’existence d’organismes « autotrophes ». Tandis que les hétérotrophes ont besoin de dévorer d ‘autres êtres vivants ( végétaux et animaux) pour survivre, les plantes, elles, se contentent de manger du soleil, de l’eau et de l’air.
Le philosophe Emanuelle Coccia dans son livre, La vie des plantes, une métaphysique du mélange, Rivages 2016 , nous dit ceci : « La vie se présuppose elle-même, ne produit qu’elle-même. Les plantes, elles, représentent la seule brèche dans l’autoréférentiel du vivant » Le végétal n’a besoin de rien d ‘autre que du cosmos pour vivre. de la photosynthèse ».
Coccia en déduit une philosophie de poésie et de mysticisme. Car après tout, c’est bien ce mécanisme qui rend la terre habitable ; ce sont les plantes qui produisent l’oxygène que nous respirons à chaque instant. Sans photosynthèse, plus d ‘inspiration possible, plus de souffle, et la vie animale telle que nous la connaissons, disparaîtrait.
Le philosophe conclue : « l’origine de notre monde n’est pas quelque chose de stable ou d’ancestral, un astre aux dimensions démesurées, un dieu, un titan… l’origine de notre monde, ce sont les feuilles: fragiles, vulnérables et pourtant capables de revenir et de revivre après avoir traversé la mauvaise saison »
La tourbière congolaise est l’un des écosystème le plus anciens de la machine climatique terre ; des millénaires de patient travail de la nature , qui nous parvient intact jusqu’à ce jour …
La tourbière congolaise est connue en tant que vaste foret marécageuse du fleuve qui fait frontière entre les 2 Congo, (Brazza et RDC) mais sa dimension (de la taille de l’Ecosse) n’a été révélée par le chercheur Simon Lewis, un chercheur de l’Université de Leeds en 2017.
« On pense que la tourbière de la forêt équatoriale du bassin du Congo a emmagasiné quelque chose comme 30 milliards de tonnes de carbone. C’est l’équivalent de trois ans d’émission de dioxyde de carbone dans le monde ». Si la forêt venait à disparaître, le carbone serait libéré dans l’atmosphère. Ce serait alors une véritable catastrophe climatique.
La tourbière du bassin congolais est un écosystème intact et protégé parce qu’inondée et peu accessible ; cependant elle est fragile et les risques de destruction (par le feu) s’accentueront ces prochaines années (décennies) compte tenu des agressions de l’homme. Cette grande tourbière congolaise est aussi le témoin de l’état de santé de la foret du bassin congolais -et de ses immenses services écosystémiques- qui détermine plus de 80 % des précipitations de l’Afrique sub saharienne et donc stratégique pour l’agriculture en Afrique dans le contexte de dynamique démographique qui accroit les besoins de productions agricoles d’au moins 5 % par an. La forêt congolaise détermine les pluies pour tous les pays riverains de la RDC , jusqu’en Afrique du Sud.
La forêt primaire à maturité avec toutes ses couches de biodiversité est un gigantesque aspirateur a carbone ; une forêt plantée par l’homme est nettement moins efficace.Un hectare de tourbière représente 1350 tonnes de carbone (contre 300 à 350 tonnes /Ha pour la forêt dense)Une forêt d’acacia plantée par l’homme, à 1à ans d’âge, représente 50 tonnes de carbone
La bonne gestion de la zone tourbière c’est de laisser la nature faire son travail, la perturber le moins possible; La tourbière c’est l’opportunité au long cours ; il faut la sanctuariser, lui donner un statut particulier cela devra se faire avec les communautés et peuples autochtones. Il faudra définir une vision plus large, concevoir, développer et soutenir un plan d’aménagement en périphérie et provinces limitrophes pour protéger la tourbière ; des terres agricoles sont disponibles en savanes ne sont pas valorisées, c’est donc là qu’il faut orienter les investissements agricoles (comme l’Indonésie a délocalisé les entreprises agricoles installées initialement sur des zones tourbières).
À moyen et long terme, la protection de la tourbière devra associer des solutions techniques systémiques de grande ampleur pour :
- reforestation et mise en défens
- prévention des feux
- filière bois énergie
- réseau de concessions forestières de communautés locales
- filières agricoles organisées de plantations pérennes sédentarisées (café, cacao, palmier) ; nous allons explorer ces solutions dans de prochains articles
Pour finir avec cet article et expliquer la présence massive de carbone dans les tourbières et mangroves :
Sachons que chaque arbre de la forêt emmagasine sa vie durant jusqu’à 10 à 30 tonnes de carbone qu’il stocke dans son tronc et sa ramure, en couches lignifiées sur lequel le cambium (tissu vivant) régénère activement à chaque saison printanière (ou de pluies) le précieux feuillage à la base de toute vie. Une grande biodiversité accompagne l’arbre dans l’enfouissement du carbone et pour des intérêts bien partagés.
L’arbre prolonge son travail jusqu’à son effondrement… que ses enfants attendent patiemment des années & décennies durant. Dès que l’aïeul s’efface, ils prennent la relève à la faveur de l’espace laissé vacant. Simple étape du cycle de vie, la chute a été anticipée par les fossoyeurs accompagnants, collemboles, fourmis et termites, champignons bactéries et mycorhizes qui digèrent le bois et génèrent le précieux humus véhicule de toute vie. L’eau draine la pénétration de l’humus dans la profondeur du sol qui s’offre aux semences et arbrisseaux sauvageons. Ainsi, si une partie du CO² est relâchée dans l’atmosphère, la plus grande part contribue au capital de l’écosystème.
Une part du carbone s’enfonce dans le sol, avec toutes les complicités de biodiversité ». Dans les tourbières inondées et les mangroves d’estuaire, ce sont des forêts entières de troncs d’espèces précurseurs et autres qui sont engloutis ; noyés, fossilisés. Les gisements actuels de charbon sont issus de processus de transformation de débris végétaux entamés il y a 300 millions d’années… Toutefois, une nouvelle production de houille, lignite, pétrole est peu probable aujourd’hui vu la vitesse de la déforestation dans les forêts du sud et l’exploitation intensive des forêts du Nord : le zéro répit que l’homme laisse à la nature