La principale cause de déforestation en RDC est le fait des populations qui brulent et défrichent la forêt à la machette

Les forêts tropicales sont des énormes éponges qui créent la pluie; si cette forêt disparait, cela aurait pour conséquence: baisse de pluviométrie, baisse de fertilité des sols par disparition des forêts galeries. Les sécheresses, au Sahel, dans la corne de l’Afrique, en Afrique de l’Est et du sud, alimentent l’exode massif des campagnes vers les villes.

Cet exode a lieu aussi en RDC: en raison de la pauvreté persistante, les jeunes considèrent qu’il n’y a pas de vie à construire en ce milieu rural non encadré, fait de pénibilité. L’émigration des campagnes vers les villes est un mouvement massif qui alimente une croissance urbaine anarchique de villes déconnectées des campagnes; Kinshasa compte déjà 17 millions d’habitants… Les nouveaux emplois y sont rares et alors que la nourriture est largement importée de l’étranger. Surpeuplées, ces grandes villes des pays en développement ne peuvent offrit du travail aux nouveaux venus, ce qui accroit le chômage et le non-emploi.

C’est alors que le désir d‘un avenir meilleur déclenche une autre migration, cette fois orientée vers l’Europe. Cela effraie l’Europe : la peur de cette immigration massive, et d’origine de plus en plus africaine vu la croissance démographique alimente cette sensation de hordes d’envahisseurs qui fait le terreau fertile des extrémismes politiques du Nord, en Italie et jusqu’en Suède et au Danemark, de leaders populistes voire d‘extrême droite qui mobilisent leur électorat autour du sujet de « l’immigration » pendant que de nouvelles clôtures et murs s’érigent en cette forteresse (Europe).

En RDC, les 9 millions de ménages agricoles produisent plus de 95 % des produits agricoles. Le travail manuel à la houe ou à la machette (95 % des surfaces agricoles en RDC sont cultivées manuellement) limite la taille des exploitations individuelles (1 à 1,5 Ha). La faible qualité des semences ou du matériel végétal utilisé maintient les rendements agronomiques à un faible niveau. Faute d’un encadrement de qualité pour piloter le changement, l’agriculture itinérante sur brûlis qui détruit la forêt à petit feu, persiste. On constate même, ces dernières années, une baisse des rendements agricoles, qui est liée directement à une baisse de fertilité des sols: la nature n’a plus le temps de se reconstituer.

Dans les zones à densités humaines faibles et moyennes, majoritaires dans le pays, l’agriculture n’est réalisée que sur défriche de forêt ou de jachère, la détruisant progressivement et laissant derrière elle la savane anthropique. Ce n’est que lorsque la forêt est totalement détruite que la savane est mise en valeur, mais non sans migration vers d’autres zones forestières où les rendements sont plus élevés et les temps de travaux moindres. Si l’impact de l’agriculture vivrière sur brûlis est très limité dans les zones de faible densité de population, cet impact devient particulièrement important dans les zones à plus forte pression démographique.

Sur la carte ci-dessous, on identifie 4 grands fronts de déforestation; à l’Ouest, le bassin de Kinshasa par ses besoins toujours plus importants en charbon de bois ; au Sud, le front de déforestation du Kasaï, au Nord, le front de Sud Oubangui + Mongala; et à l’Est, un front qui va de Bunia à Uvira (Ituri, Nord Kivu, Sud Kivu).

Parallèlement au fait que les paysans de RDC sont de plus en plus dépendants des ressources forestières (forêt et galeries forestières en zones de savanes) et de la disponibilité en terres fertiles qui offrent de meilleurs rendements, pour leur survie, l’urbanisation galopante en RDC accentue encore les processus de déforestation et de dégradation des forêts qui deviennent de plus en plus visibles et néfastes autour des agglomérations (grandes consommatrices d’énergie biomasse) et le long des axes de communication (routier et fluvial).

Il est estimé que 70% de la population congolaise vit de l’agriculture, et la moitié d’entre eux appartiennent à la tranche d’âge des jeunes. Les jeunes sont souvent sous-employés et ils ont besoin de la création massive d’emplois pour leur avenir. Les jeunes sont en général très intéressés à s’investir dans des activités génératrices de revenus de courte durée comme la production du charbon, le transport avec vélos, etc. Faute d’opportunités d’emploi ou d’activités rentables au niveau des villages, une bonne partie d’entre eux, part pour la ville.

Sans options alternatives et sédentaires aux systèmes agraires actuels, les agriculteurs congolais continueront de brûler la forêt, et tant que l’agriculture ne se modernisera pas, la population croissante aura besoin davantage de terres agricoles. En effet, une agriculture itinérante de subsistance peu performante exige une main-d’œuvre importante, donc des familles rurales nombreuses qui à leur tour ont besoin d’avantage de nouvelles surfaces nourricières. Les paysans devront donc produire plus, dans un contexte d’affaiblissement des rendements agricoles en raison, notamment, de l’appauvrissement des sols. Or le changement est possible et existe, soit des filières structurées sur base de modèles agricoles sédentarisés : café associé aux haricots ou au soja (photos ci-dessous), cacao associé au bananier, les 2 cultures en système agro forestier, avec 50 à 80 arbres à l’ha.

L’action de loin la plus efficace, la moins couteuse et le plus urgente en Afrique centrale, c’est de protéger les forêts primaires encore existantes; sans pratiquer le néo colonialisme vert. On devrait sanctuariser la tourbière mais développer en périphérie des solutions agricoles innovantes et des modèles agricoles sédentarisés. Il faut aider les paysans et communautés à développer la foresterie communautaire avec la population comme gardiennes des puits de carbone et bien sûr les peuples autochtones pygmées, nombreux en RDC. Il y a aussi la régénération naturelle soit aider la foret à se reconstituer par elle-même, contrôler les feux; la pratique se repend en RDC et fait l’objet de paiements pour services environnementaux aux communautés…

 

Des campagnes enclavées, sous financées, non encadrées

Avec le sous financement (pas de crédit campagnes…), le délabrement du réseau routier, la rareté des infrastructures (dépôts, unités de transformation, emballage conditionnement), l’accès aux marchés urbains est à la fois difficile et couteux. La faiblesse de la production agricole et la valeur ajoutée très limitée, n’assurent donc pas des revenus satisfaisants aux familles. Les importantes voies fluviales du pays, ne sont pas draguées ni balisées, rendant la navigation difficile. Les simples pistes en terres d’un réseau de 150 000 km sont le plus souvent impraticables et inaccessibles aux véhicules même de petit tonnage. Ainsi des produits alimentaires locaux demeurent invendus et pourrissent dans l’arrière-pays, tandis que des moyens colossaux sont affectés aux importations transfrontalières. Les budgets publics se doivent d’être affectés à ces infrastructures, pour les réhabiliter et organiser l’entretien, et aussi avec les ressources mises à la disposition de l’Etat par les partenaires bilatéraux ou multilatéraux.

 

De plus, le producteur agricole, l’éleveur, a besoin de garanties sur les investissements pluriannuels qu’il veut faire, pourront lui apporter un retour productif et financier. Garantir cette sécurité constitue cependant un préalable à toute action de développement des exploitations familiales. Les systèmes de baux ruraux comme le fermage et le métayage méritent eux aussi d’être mieux documentés, codifiés, encadrés. Les organisations paysannes plaident aussi pour une meilleure promotion par le gouvernement et les coopérations internationales des entreprises du type coopérative et aussi pour une modernisation des lois et des règlements susceptibles de permettre une éclosion massive de PME.

Les femmes amélioreront leur situation et leur position dans la société si elles peuvent formuler et défendre elles-mêmes leurs projets et objectifs. Le choix pour des actions par et avec les femmes, à travers la collaboration des organisations féminines locales, permettra de renforcer le leadership féminin et un focus sur l’entreprenariat familial permettra d’aller en avant.

Erosions et déforestation de la forêt du Kwango, proche de Kenge

À propos de l'auteur

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Alain Huart

Alain Huart est Chef de la cellule de suivi et de coordination du programme « Environnement et Agriculture Durable » de l’Union Européenne en RDC. Il est aussi développeur pour la consolidation de partenariats public-privés en paysages de parcs (Salonga, Virunga, Garamba, Upemba Kundelungu) et biosphères de la RDC (Biosphère Luki, Yangambi).

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